lundi 2 janvier 2017

Ciudad Juárez, la cité des mortes

Ciudad Juárez, la cité des mortes


La ville de Juárez, située à la frontière du Mexique et des États-Unis, est l’une des villes les plus dangereuses du monde. Elle est devenue en vingt ans la capitale du crime et de la drogue. Sa particularité ? L'assassinat de milliers de femmes en toute impunité. Depuis le premier crime en 1993, 4 000 cadavres de femmes violées, torturées et mutilées ont été retrouvés. 77% des crimes n’ont jamais été résolus.

Comment expliquer une telle situation ?

Plus de 1,5 millions d’habitants vivent dans cette ville, bastion de l’un des plus importants cartels de drogue d'Amérique latine, le cartel de Juárez. C’est l’un des points frontaliers les plus transités de la planète. Avec un trafic de 150 000 personnes par jour, impossible de contrôler pour les autorités. Un tiers de drogue à destination des États-Unis traverse la ville. Les narcotrafiquants, très présents, font régner un climat de violence quotidienne.

Qu’est ce qui plaît tant aux habitants de la ville de Juárez pour y rester ? Le travail ?

En effet, la ville est devenue, grâce à ses centaines de « maquiladoras » (usines bon marché d’assemblage délocalisées nord-américaines, européennes et asiatiques), un pôle industriel et commercial important. Des milliers de travailleurs viennent ainsi s’installer dans la région dans l’espoir de trouver un travail, même si celui-ci est mal rémunéré (6 dollars par jour). Parmi eux, essentiellement des femmes, âgées entre 15 et 25 ans, qui sont obligées d’arrêter leurs études pour gagner leur vie. Leur participation de plus en plus active au marché du travail a augmenté la part de chômage des hommes dans la région. Et le machisme n'a cessé de se renforcer ces dernières années. Ces jeunes femmes sont donc indépendantes, mobiles mais vulnérables. Ce sont des proies faciles à atteindre et difficiles à protéger.

Malu Garcia est la sœur d’une des nombreuses jeunes filles assassinées en 2001 en sortant d’une “maquiladora” de Ciudad Juárez et lutte, comme beaucoup d’autres familles, pour que justice soit faite. Elle explique que si tant d’assassinats ont pu être commis sans que rien ne soit fait c’est que les autorités sont complices de ces crimes. Elles donnent la possibilité de tuer sans être condamné. C’est clairement le gouvernement mexicain qui est remis en cause. Mais Malu a de l’espoir: bien que la mort de sa sœur ne soit peut-être jamais résolue, elle sait que les efforts des différentes associations auront un jour un résultat.

Depuis les années 1990, les meurtres des femmes de Ciudad Juárez ont attiré l’attention du monde entier grâce au travail d’ONG qui dénoncent les milliers de meurtres non résolus et cachés par la police. “Casa Amiga” est l’une des ONG les plus connues mais n’a pas empêché sa fondatrice Esther Chavez Cano a d'être froidement assassinée. De nombreux films et documentaires retracent également le féminicide dont sont victimes ces femmes, comme le film “Les Oubliées de Juárez” (sorti en 2007) de Gregory Nava qui raconte l’histoire d’une reporter américaine envoyée par son journal pour enquêter sur ces disparitions.


Heureusement quelques arrêtés internationaux ont été établis à l’encontre du gouvernement mexicain suite à son évidente inaction face à ces crimes. Il aura fallu dix ans pour que le gouvernement se sépare de ses membres corrompus et pour qu'il réagisse enfin contre ce féminicide. Dans une ville où règne la violence et la drogue, il est difficile pour les autorités d'assurer la sécurité et encore plus difficile d’élucider les meurtres lorsque ceux-ci n'ont pas été traités rigoureusement dès le début. La situation est loin d'être résolue et Ciudad Juárez demeure toujours “la ville qui tue les femmes”. 


Claire Peters

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